Cet homme que vous voyez, il n’est plus que l’ombre de lui même. Cheveux sales, graisseux, maigre, n’ayant plus que la peau sur les os, il n’a plus rien de l’homme qu’il était avant. Tout n’a été qu’une décadence, et le mot vaut peu, depuis que la cellule de moins de 4 mètres carrés à été scellée à son nom. Sezuan. Il était beau, avant. Il avait des cheveux bruns, relativement longs, qui avaient pour habitude de s’émoustiller dans tous les sens, impossibles à dresser. La chose ne prit que quelques temps à comprendre, dès l’enfance, la brosse à cheveux fut bannie du bord de l’évier, pour seulement être utilisée avant la douche. Ah, une douche… Qu’est ce qu’il donnerait pour être propre, se sentir propre. Il était toujours propre auparavant. Il sentait le parfum fleuri, prenait toujours soin de son apparence, paraissait respectueux, aimable. Un sourire parfait, sans imperfections, charmant. Il avait tout du gentleman anglais. La seule chose qui l’aurait différencié du monde Anglais, ne serait-ce qu’un peu, fusse son accent. Né en Ecosse, oblige, la raillerie à cause de sa façon de parler se marqua dès sa première année à Poudlard. Mais, pour le contraste, l’accent charma assez tôt des jeunes demoiselles, prêtes à être accostées.

Grand, il a du mal à rentrer dans sa cellule debout. Il n’y a que deux mètres au plafond, ce qui lui laisse une marge de quinze centimètres. Deux mètres de large, deux mètres de long et deux mètres de haut. Assez pour le garder inoffensif pour le restant de ses jours.

Il avait une stature qui donnait une impression de vulnérable. Il était fin, ni gros, ni maigre, juste fin. Félin, pourrait-on dire. Non pas moche à regarder, il n’était pas non plus du genre de tout le monde. Ses joues futiles, maintenant qu’une petite quantité de chair sur le crâne, toujours bien rasées, douces, à l’odeur d’après-rasage, sont maintenant couvertes d’une barbe qu’il tente malgré tout de couper lorsqu’il le peut. Avec un caillou, en tirant chaque poil l’un après l’autre. De vieilles habitudes qu’un homme adulte ne perd pas, même emprisonné dans 8 mètres cubes de dalles gelées, surveillés sans arrêt par des Détraqueurs, prêts à tout instant à enfreindre la loi sorcière pour arracher l’âme des détenus pour leur propre profit. Il ferait peur à n’importe quelle personne pénétrant dans la prison glaciale, loin de l’impression de zèle qu’il donnait avant de sombrer dans la décadence et la folie.

Ses yeux sont bruns, un brun pourpre, profond. Un coloris propre à la famille dont il est issu. Quelque chose, une des seules choses, dont il est fier. Il était le genre de personne capable d’arrêter une personne en pleine rue marchande par un regard simple, sans écorchures. Un regard pénétrant et perçant. Un regard maintenant rempli de folie, marquant chaque accès de folie dont il faisait preuve dans sa misérable cellule.

Entre cris et hurlements passagers, la voix dont il se rappelle n’a rien de celle, brisée, cassée, fracturée, qu’il a maintenant. Une voix suave, qu’il avait avant. Ah, qu’est ce qu’il était suave, à l’époque avant la prison. Tout du piège parfait. Il avait de beaux vêtements, un parfum attirant, une grâce maniaque, presque. Et ce regard. Tout cela est perdu maintenant, au profit des tons mornes de la prison dont il est le captif. Squelettique, dégueulasse. Il ne ressemble pas plus à un gentleman que le ferait un chien errant retrouvé dans les catacombes de Londres.

Toujours soigné, c’est les deux seuls mots que l’on pourrait attribuer à Sezuan du temps où il avait encore le privilège de s’habiller décemment. Il ne portait que des costumes, accompagné d’une paire de chaussures classes. Toujours cirées, propres, sans jamais la moindre tâche, la moindre petite chose à reprocher. Il était impeccable. Tout simplement. Il avait une affection particulière pour les costumes à rayure, chose qui allongeait sa silhouette et le rendait agréable à observer. Il avait l’air naturel, dans ces costumes, pas comme toutes ces personnes qui s’y essayent mais se retrouvent à avoir l’air stupides, comme une personne à qui un chapeau ne sied pas.

Il portait toujours une chemise propre, sentant encore le produit de lave-linge (au parfum d’hamamélis, certainement), bleue claire ou blanche, et une cravate cachée par sa veste rayée. Dans son armoire, il devait y avoir au moins une dizaine de costumes différents, et pratiquement aucune autre sorte de vêtements. Un pyjama, rayé, clair, beige et blanc, ce fut tout ce que trouvèrent les employés du Ministère lorsqu’ils fouillèrent son domicile. Pas besoin de beaucoup de choses, quand on est homme indépendant. Et puis, les prémices de la transfiguration sont simples pour lui, ayant obtenu un O à la matière à tous ses examens. S’il eusse eût besoin d’une autre sorte de costume en tout urgence, la baguette était à portée de main.

Aujourd’hui, Sezuan n’est qu’un chien galeux. Les vêtements qu’il porte ne sont qu’une chemise sale, puante, et un pantalon, certainement un de ses anciens bas de costume, déchiré à divers endroits. Ce ne sont que les restes des vêtements qu’il portait lors de son arrestation, personne n’a jugé bon de lui promettre d’autres vêtements pour sa détention capitale. La boue, la terre, l’eau se sont imprégnés dans le tissu, qui, finalement, ne protège plus du froid glacial. Mais qu’en est-il pour une personne comme Sezuan ? L’idée qu’il sortira d’ici un jour le tient en vie, et il s’y accroche pour ne pas sombrer plus qu’il ne l’a déjà fais dans la folie, mais la vraie folie déliquescente, cette fois ci…

N’importe quel sorcier à ses signes particuliers. Pour Sezuan, il ne s’agirait que de sa cicatrice le long de l’avant bras gauche, qui s’est gravée dans sa chair un soir d’Automne, alors qu’il courait pour sa vie, pour échapper aux forces de l’ordre. C’est la seule trace intéressante qui se trouve sur son corps, il n’y a rien d’autre à mettre en avant. Ne serait-ce que ce regard démentiel qu’il entretient à longueur de journée.